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un lion, et mille pour une épée, dans un temps où cette riche nomenclature ne se conservait encore que dans la mémoire d’un peuple sans lettres. Les inscriptions des monumens des Homérites présentent des caractères mystérieux et hors d’usage ; mais les lettres cufiques, qui forment la base de l’alphabet actuel, furent inventées sur les bords de l’Euphrate, et bientôt après introduites à la Mecque par un étranger qui s’établit dans cette ville après la naissance de Mahomet. L’éloquence naturelle des Arabes était étrangère aux règles de la grammaire, de la poésie et de la rhétorique ; mais ils avaient une grande sagacité, une imagination riche, un trait énergique et sentencieux[1] ; leurs morceaux travaillés, prononcés avec beaucoup de force, produisaient beaucoup d’effet sur leur auditoire. [Leur amour pour la poésie.]Le génie et le mérite d’un poète naissant étaient célébrés par sa tribu et par les tribus alliées. On préparait un festin solennel ; un chœur de femmes frappant sur des tymbales, et dans toute la parure du jour de leurs noces, chantaient devant leurs fils et leurs époux le bonheur de leur

  1. Voltaire a inséré dans Zadig un conte familier (le Chien et le Cheval) pour prouver la sagacité naturelle des Arabes (d’Herbelot, Bibl. orient., p. 120, 121 ; Gagnier, Vie de Mahomet, t. I, p. 37-46) ; mais d’Arvieux, ou plutôt La Roque (Voyage de la Palestine, p. 92), a nié la supériorité dont se vantent les Bedouins. Les cent soixante-neuf Sentences d’Ali (traduites en anglais par Ockley, à Londres, 1718) donnent un échantillon de l’esprit de trait qui distingue les Arabes.