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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/517

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charger que lorsqu’ils avaient aperçu la lassitude des assaillans ; mais s’ils étaient repoussés ou enfoncés, ils ne savaient ni se rallier ni renouveler le combat, et, ce qui augmentait leur épouvante, ils croyaient alors que Dieu se déclarait en faveur de l’ennemi, La décadence et la chute de l’empire des califes autorisaient alors cette effrayante opinion, et, parmi les musulmans et les chrétiens, on ne manquait pas d’obscures prophéties[1] qui annonçaient tour à tour la défaite de l’une ou de l’autre armée. L’unité de l’empire des Arabes n’existait plus ; mais ses débris formaient des états indépendans qui égalaient de grands royaumes ; et un émir d’Alep ou de Tunis trouvait dans ses trésors, dans l’industrie et les talens de ses sujets, de quoi faire redouter ses forces maritimes. Les princes de Constantinople ne sentirent que trop souvent que ces Barbares n’avaient dans leur discipline aucune trace de barbarie, et que s’ils manquaient de l’esprit d’invention, ils savaient rechercher et imiter promptement les découvertes des autres. Le modèle, il est vrai, surpassait la copie ; leurs navires, leurs machines et leurs fortifications étaient d’une construction moins savante ; et ils avouaient sans honte que Dieu, qui a donné la lan-

  1. Luitprand (p. 484, 485) rapporte et explique les oracles des Grecs et des Sarrasins, où, selon l’usage des prophéties, le passé est clair et historique, et l’avenir obscur, énigmatique et inexact. D’après cette ligne de démarcation de la lumière et de l’ombre, on peut communément fixer l’époque de chacun de ces oracles.