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affaires de la nation. Le premier d’entre eux, président et général de la république, reçut le titre de comte de la Pouille, et cette dignité fut conférée à Guillaume Bras-de-Fer, représenté, dans le langage de ce siècle, comme un lion dans les combats, un agneau dans la société, et un ange dans les conseils[1]. Un auteur national et contemporain décrit de bonne foi les mœurs de ses compatriotes[2]. [Caractère des Normands.]« Les Normands, dit Malaterra, sont un peuple astucieux et vindicatif ; l’éloquence et la dissimulation semblent héréditaires en eux : ils savent s’abaisser à la flatterie ; mais si la loi ne les tient pas sous le joug, ils se livrent à tous les excès de leurs passions. Leurs princes se piquent de munificence envers le peuple ; le peuple garde le milieu, ou plutôt il réunit les extrêmes de l’avarice et de la prodigalité : avides de richesses et de domination, ils méprisent tout ce

  1. Guill. de la Pouille, l. II, c. 12. Je compte ici sur une citation faite par Giannone (Ist. civ. di Napoli, t. II, p. 31), citation que je ne puis vérifier dans l’original. L’Apulien donne des éloges aux validas vires, probitas animi et vivida virtus de Bras-de-Fer, et il déclare que, si ce héros avait vécu, aucun poète n’aurait pu égaler son mérite (l. I, p. 258 ; l. II, p. 259). Bras-de-Fer fut regretté par les Normands ; quippe qui tanti consilii virum (dit Malaterra, l. I, c. 12, p. 552) tam armis strenuum, tam sibi munificum, affabilem, morigeratum ulterius se habere diffidebant.
  2. Malaterra (l. I, c. 3, p. 550) dit : Gens astutissima, injuriarum ultrix… adulari sciens… eloquentiis inserviens ; et ces expressions indiquent le caractère populaire et proverbial des Normands.