Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/300

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moins difficiles exploits de cette bande de fanatiques et de celles qui la suivirent. Les riches et nombreuses colonies établies dans les villes commerçantes du Rhin et de la Moselle, y jouissaient, sous la protection de l’empereur et des évêques, du libre exercice de leur religion[1]. À Verdun, Trèves, Mayence, Spire et Worms, plusieurs milliers de ces infortunés furent pillés et massacrés[2] ; depuis la persécution d’Adrien, ils n’en avaient pas souffert d’aussi sanglante. La fermeté des évêques en sauva quelques-uns qui feignirent passagèrement d’embrasser la religion chrétienne ; mais les Juifs les plus opiniâtres opposèrent le fanatisme au fanatisme ; ils barricadèrent leurs maisons et trompèrent la rage ou du moins l’avarice de leurs implacables ennemis, en se précipitant dans le fleuve ou dans les flammes avec leurs familles et leurs richesses.

  1. Benjamin de Tudèle décrit la situation des Juifs, ses confrères, établis sur les bords du Rhin depuis Cologne ; ils étaient riches, généreux, instruits, bienfaisans, et attendaient avec impatience l’arrivée du Messie (Voyages, t. I, p. 243-245, par Baratier). En soixante-dix ans (il écrivait vers l’année 1170) ils s’étaient rétablis de leur perte et de leur massacre.
  2. Le pillage et le massacre des Juifs renouvelés à chaque Croisade sont racontés comme des choses indifférentes. Il est vrai que saint Bernard (épître 363, t. I, p. 329) avertit les Francs orientaux que, non sunt Judœi persequendi, non sunt trucidandi. Mais un moine, son rival, prêchait une doctrine opposée.