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Leur destruction en Hongrie et dans l’Asie. A. D. 1096.

Entre les confins de l’Autriche et la capitale de l’empire d’Orient, les croisés eurent à traverser un intervalle de six cents milles dans les déserts sauvages de la Hongrie et de la Bulgarie[1]. Le sol en est fertile et entrecoupé de rivières ; mais on n’y rencontrait alors que des marais et ces vastes forêts dont l’étendue ne connaît plus de bornes dès que l’homme cesse d’exercer sur la terre son impérieuse industrie. Les deux nations avaient reçu les principes du christianisme ; les Hongrois obéissaient à un prince né parmi eux, et les Bulgares étaient gouvernés par un lieutenant de l’empereur grec ; mais leur caractère féroce se réveillait au plus léger prétexte de mécontentement, et les brigandages des croisés leur en fournirent de légitimes. L’agriculture devait être languissante et mal dirigée chez un peuple ignorant, dont les villes, construites en bois et en roseaux, étaient abandonnées l’été pour les tentes, habitations des pâtres et des chasseurs. Les pèlerins demandèrent avec arrogance quelques provisions, s’en saisirent de force, les consommèrent avec voracité, et se livrèrent, dès la première querelle, à la vengeance et à l’indignation. Mais leur ignorance générale du pays, de la guerre et de la discipline, les exposait à donner dans toutes les embûches. Le préfet de Bulgarie avait sous ses ordres des troupes

  1. Voyez la Description contemporaine de la Hongrie dans Othon de Freysingen, l. II, c. 31 ; dans Muratori, Script. rerum ital., t. VI, p. 665, 666.