Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/347

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Turc depuis l’épaule jusqu’à la hanche ; moitié de l’infidèle tomba, et son cheval emporta l’autre jusqu’aux portes de la ville. Robert de Normandie dit pieusement, en galoppant à la rencontre de son adversaire : « Je dévoue ta tête aux démons de l’enfer, » et, du premier coup de son sabre, le prince fendit cette tête jusqu’à la poitrine ; mais la réalité ou le bruit de ces aventures gigantesques[1] dut apprendre aux musulmans à se renfermer dans leurs murs, et contre ces murs de pierre ou de terre la lance et l’épée sont des armes impuissantes. L’ignorance et la négligence des croisés les rendaient peu propres à conduire les longs travaux d’un siége et ses opérations successives ; ils manquaient d’intelligence pour l’invention des machines destinées à faciliter l’assaut ; ils manquaient également d’argent pour s’en pourvoir, et d’industrie pour s’en servir. À la conquête de Nicée, ils avaient été puissamment aidés par les trésors et les lumières de l’empereur Alexis, dont les secours se trouvaient faiblement remplacés par ceux de quelques vaisseaux pisans et génois, que le commerce ou la religion

    dom., c. 53, p. 304) ; il tâche cependant de justifier le fait par les stupendis viribus ou les forces surnaturelles de Godefroi. Guillaume de Tyr met la vraisemblance à couvert par ces mots, obstupuit populus facti novitate : cependant il ne devait pas paraître incroyable aux chevaliers de ce siècle.

  1. Voyez les exploits de Robert, de Raimond et du modeste Tancrède, qui imposait silence à son écuyer (Radulp. Cadom., c. 53).