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tution. Au bout de deux ans il alla, à la tête de la troisième colonie de cet ordre, s’établir à Clairvaux en Champagne[1], et se contenta, durant toute sa vie, de l’humble titre d’abbé de cette communauté. Les philosophes de notre siècle ont répandu trop indistinctement le ridicule et le mépris sur ces héros spirituels. Les plus obscurs d’entre eux se sont distingués par quelque énergie. Ils étaient au moins supérieurs à leurs sectateurs et à leurs disciples ; et dans l’âge de la superstition, ils ont atteint le but poursuivi par un grand nombre de concurrens. L’activité, l’éloquence et le talent d’écrire élevèrent saint Bernard fort au-dessus de ses rivaux et de ses contemporains. Ses compositions ne sont dépourvues ni d’esprit ni de chaleur ; et il paraît avoir conservé autant de raison et d’humanité que le permet son caractère de saint. En demeurant dans le monde, il aurait eu la septième partie d’un héritage médiocre ; par son vœu de pénitence[2] et de pauvreté, son

  1. Clairvaux, surnommé la vallée d’Absynthe, est situé dans les bois, près de Bar-sur-Aube, en Champagne. Saint Bernard rougirait aujourd’hui de voir le faste de l’Église ; il chercherait la bibliothéque, et ne serait pas fort édifié du spectacle d’un foudre de huit cents muids, presque égal à celui de Heidelberg. (Mélanges d’une grande Bibliothéque, t. XLVI, p. 15-20.)
  2. Les disciples du saint (vit. prima, l. III, c. 2, p. 1232 ; vit. secunda, c. 16, no 45, p. 1383) racontent un exemple frappant de sa pieuse apathie. Juxta lacum etiam Lausannensem totius diei itinere pergens, penitus non attendit aut