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lité, « La personne et la dignité d’un roi, lui dit Saladin, sont sacrées : mais ce brigand impie rendra sur-le-champ hommage au prophète qu’il a blasphémé, ou souffrira la mort qu’il a si souvent méritée. » Soit orgueil, soit conscience, le guerrier chrétien refusa ; le sultan frappa Renaud sur la tête avec son cimeterre, et ses gardes l’achevèrent[1]. On conduisit à Damas, dans une prison honorable, le souverain tremblant de Jérusalem, qu’une prompte rançon devait bientôt mettre en liberté. Mais la victoire de Saladin fut souillée par l’exécution de deux cent trente chevaliers de l’Hôpital, intrépides champions et martyrs de leur foi. Le royaume se trouvait sans chef, et des deux grands-maîtres des ordres militaires, l’un avait été tué, et l’autre fait prisonnier. On avait rassemblé pour ce fatal combat les garnisons de la capitale et de toutes les villes de la côte maritime et de l’intérieur du pays. Tyr et Tripoli purent seules résister à la rapide invasion de Saladin, et trois mois après la ba-

  1. Renaud, Reginald ou Arnold de Châtillon, est célèbre chez les Latins par sa vie et par sa mort, dont les circonstances sont racontées clairement par Bohadin et Abulféda. Joinville (Hist. de saint Louis, p. 70) rapporte l’usage de Saladin de ne jamais faire mourir un prisonnier auquel il avait offert du pain et du sel. Quelques-uns des compagnons d’Arnold avaient été massacrés, et pour ainsi dire sacrifiés dans la vallée de la Mecque, ubi sacrificia mactantur (Abulféda, p. 32).