Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/120

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sauvage Joannice, battu et couvert de honte, fut forcé d’abandonner sa proie, et le siége de Thessalonique fut la dernière des calamités qu’il causa ou éprouva. Durant l’obscurité de la nuit, il fut assassiné dans sa tente, et le général, ou peut-être le meurtrier qui le trouva baigné dans son sang, attribua ce coup à la lance de saint Démétrius et fut généralement cru[1]. Après avoir remporté plusieurs victoires, Henri conclut sagement un traité de paix honorable avec le successeur de Joannice et les princes d’Épire et de Nicée. L’abandon de quelques limites incertaines valut à l’empereur et à ses feudataires la possession tranquille d’un vaste royaume ; et son règne, qui ne dura que dix ans, procura à l’empire un court intervalle de paix et de prospérité. Supérieur à la politique étroite de Baudouin et de Boniface, il confiait sans crainte aux Grecs les emplois civils et militaires, et cette conduite généreuse devenait d’autant plus nécessaire, que les princes d’Épire et de Nicée avaient appris à séduire et à employer la valeur mercenaire des Latins. Henri s’attachait à unir tous ses sujets et à récompenser leur mérite, quels que fussent leur pays et leur langage ; mais il parut moins empressé de travailler à l’impraticable réunion des deux Églises. Pelage, légat du pape, qui affectait à

  1. L’église de ce patron de Thessalonique était desservie par les chanoines du Saint-Sépulcre ; elle contenait une huile sainte qui distillait continuellement, et il s’y faisait d’étonnans miracles. (Ducange, Hist. de Constantinople, II, 4).