Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/15

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irrégulière ; son prédécesseur Ignace, qu’on avait forcé d’abdiquer, avait encore pour lui la compassion publique et l’opiniâtreté de ses adhérens. Ils en appelèrent à Nicolas Ier, l’un des plus orgueilleux et des plus ambitieux pontifes romains, qui saisit avidement l’occasion de juger et de condamner son rival. Leur querelle fut encore aigrie par un conflit de juridiction ; les deux prélats se disputaient le roi et la nation des Bulgares, dont la récente conversion au christianisme paraissait de peu d’importance à l’un et à l’autre, s’il ne comptait pas ces nouveaux prosélytes au nombre de ses sujets spirituels. Avec l’aide de sa cour, le patriarche grec remporta la victoire ; mais dans la violence de la contestation, il déposa à son tour le successeur de saint Pierre, et enveloppa toute l’Église latine dans le reproche de schisme et d’hérésie ; Photius sacrifia la paix du monde à un règne court et précaire. Le césar Bardas, son patron, l’entraîna dans sa chute ; et Basile-le-Macédonien fit un acte de justice en replaçant Ignace, dont on n’avait pas assez considéré l’âge et la dignité. Du fond de son couvent ou de sa prison, Photius sollicita la faveur du nouveau souverain par des plaintes pathétiques et d’adroites flatteries ; et à peine son rival eut-il fermé les yeux qu’il remonta sur le siége patriarchal de Constantinople. Après la mort de Basile, Photius éprouva les vicissitudes des cours et l’ingratitude d’un élève monté sur le trône. Le patriarche fut déposé pour la seconde fois, et, dans la solitude de ses derniers momens, regretta peut-être d’avoir