Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/227

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de ses peuples ; l’opulence et l’impunité étaient à ses yeux les plus précieuses prérogatives d’un monarque ; et il commença ses indiscrétions par la demande qu’il fit d’être investi de quelques îles riches et fertiles où il pût vivre dans les plaisirs et l’indépendance. L’empereur s’offensa des nombreux et bruyans désordres qui troublaient la tranquillité de sa capitale ; le jeune prince emprunta des usuriers génois de Péra les sommes que lui refusait la parcimonie de son grand-père ; et cette dette onéreuse, au moyen de laquelle il affermit l’intérêt de la faction qu’il s’était formée, fut telle bientôt qu’elle ne pouvait plus être payée qu’au moyen d’une révolution. Une femme belle et d’un rang distingué, mais dont les mœurs étaient celles d’une courtisane, avait donné au jeune Andronic les premières leçons de l’amour. Il eut lieu de soupçonner les visites nocturnes d’un rival, et ses gardes, placés en embuscade à la porte de sa maîtresse, percèrent de leurs flèches un étranger qui passait dans la rue. Cet étranger était le prince Manuel son frère, qui languit et mourut de sa blessure. L’empereur Michel, leur père, dont la santé déclinait, expira environ huit jours après, pleurant la perte de ses deux enfans[1]. Quoique le jeune Andronic n’eût pas eu l’intention de commettre un pareil crime, il ne devait pas moins con

  1. Nous devons à Nicéphore Grégoras (l. VIII, c. 1) la connaissance de cette aventure tragique. Cantacuzène cache discrètement les vices du jeune Andronic, dont il fut le témoin et peut-être le complice (l. I, c. 1, etc.).