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liberté de Rhodes durant plus de deux siècles : cette île acquit, sous leur discipline, l’éclat de l’opulence et de la renommée ; ces nobles et braves religieux méritèrent une gloire égale sur mer et sur terre, et leur île, boulevard de la chrétienté, attira et repoussa souvent les nombreuses armées des Turcs et des Sarrasins.

Premier passage des Turcs en Europe. A. D. 1341-1347.

Les discordes des Grecs furent la principale cause de leur destruction. Durant les guerres civiles du premier et du second Andronic, le fils d’Othman accomplit presque sans obstacle la conquête de la Bithynie ; les mêmes désordres encouragèrent les émirs turcomans de Lydie et d’Ionie à construire une flotte et à piller les îles voisines de la côte d’Europe. Réduit à défendre son honneur et sa vie, Cantacuzène, soit qu’il voulait prévenir ou imiter ses adversaires, eut recours aux ennemis de son pays et de sa religion. Amir, fils d’Aidin, cachait sous la robe d’un mahométan la politesse et l’humanité d’un Grec ; une estime mutuelle et des services réciproques l’attachaient au grand-domestique ; et leur amitié a été comparée, dans le langage du temps, à celle d’Oreste et de Pylade[1]. Lorsqu’il apprit le danger

  1. Nicéphore Grégoras s’est étendu avec plaisir sur l’amabilité de son caractère (l. XII, 7 ; XIII, 4-10 ; XIV, 1-9 ; XVI, 6). Cantacuzène parle honorablement de son allié (l. III, c. 56, 57-63, 64-66, 67, 68-86, 89-96) ; mais il désavoue l’extrême penchant qu’on lui supposait pour les Turcs, et nie en quelque façon la possibilité d’une amitié si peu naturelle (l. IV, c. 40).