Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/313

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de son ami persécuté par une cour ingrate, le prince d’Ionie réunit à Smyrne une flotte de trois cents vaisseaux et une armée de vingt-neuf mille hommes ; il mit à la voile au milieu de l’hiver, et jeta l’ancre à l’embouchure de l’Hèbre. Suivi d’une troupe choisie de deux mille Turcs, Amir avança sur les bords du fleuve, et délivra l’impératrice, que les sauvages Bulgares tenaient assiégée dans la ville de Démotica. À cette époque, son cher Cantacuzène, réfugié en Servie, laissait ignorer quel était son sort ; Irène, impatiente de voir son libérateur, l’invita à entrer dans la ville, et accompagna cette invitation d’un présent de cent chevaux et de bijoux précieux ; mais, par un genre particulier de délicatesse, ce sensible Barbare refusa, en l’absence de son ami malheureux, de voir son épouse et de jouir des agrémens de son palais. Il soutint dans sa tente l’inclémence de la saison, et rejeta toutes les faveurs de l’hospitalité pour partager les souffrances de ses deux mille compagnons, aussi dignes que lui de l’honneur qu’on voulait lui faire. Le désir de venger Cantacuzène et le besoin de subsistances peuvent servir d’excuse à ses excursions par terre et par mer : il laissa neuf mille cinq cents hommes pour garder sa flotte, et parcourut inutilement la province pour découvrir son ami. De fausses lettres, la rigueur de l’hiver, les clameurs de ses volontaires, la quantité de dépouilles et le nombre des captifs, le déterminèrent enfin à se rembarquer. Le prince d’Ionie revint deux fois en Europe dans le cours de la guerre civile ; il joignit ses troupes