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argent ; leurs rustiques hameaux n’étaient pas enrichis par le commerce, ni décorés par les arts de luxe ; mais les naturels de ces contrées avaient été de tous temps distingués par leur vigueur corporelle et l’énergie de leur courage : une institution sage en fit les plus fermes et les plus fidèles soutiens de la grandeur ottomane[1]. Le visir d’Amurath rappela à son souverain que les lois de Mahomet lui accordaient la cinquième partie des dépouilles et de tous les captifs ; le ministre ajouta que des officiers vigilans, placés en Gallipoli, lèveraient facilement ce tribut au passage, et pourraient choisir les plus beaux et les plus vigoureux parmi les enfans des chrétiens. Le conseil fut adopté ; on publia l’édit : des milliers de captifs européens furent élevés dans la religion de Mahomet et dans l’exercice des armes. Un dervis célèbre fit la cérémonie de consacrer cette nouvelle milice et de lui donner un nom. Placé à la tête de leurs rangs, il étendit la manche de sa robe sur la tête du soldat qui était le plus à sa portée, et leur donna sa bénédiction dans les termes suivans : [Les janissaires.]« Qu’on les nomme Janissaires (Yengi cheri ou nouveaux soldats). Puisse leur valeur être toujours brillante, leur épée tranchante et leur bras victorieux ! Puisse leur lance être toujours suspendue sur la tête de leurs ennemis, et quelque part qu’ils aillent, puissent-ils en revenir avec un visage blanc[2]! »

  1. Voyez Cantemir (p. 37-41) et ses notes intéressantes.
  2. Visage blanc et visage noir, sont en langage turc des