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Alliance des Français et des Vénitiens. A. D. 1201.

Lorsque les six ambassadeurs des Français arrivèrent à Venise, ils furent amicalement reçus dans le palais de Saint-Marc par le doge, Henri Dandolo, qui, au dernier période de la vie humaine, brillait parmi les hommes les plus illustres de son siècle[1]. Chargé du poids des ans et privé de la vue[2], Dandolo conservait toute la vigueur de son courage et de son jugement, l’ardeur d’un héros ambitieux de signaler son règne par quelques exploits mémorables, et la sagesse d’un patriote plein du désir d’établir sa renommée sur la gloire et la puissance de sa patrie. La valeur et la confiance des barons et de leurs députés obtinrent son approbation et ses

  1. Henri Dandolo avait quatre-vingt-quatre ans quand il fut élu doge (A. D. 1192), et quatre-vingt-dix-sept quand il mourut (A. D. 1205). Voyez les Observations de Ducange sur Villehardouin, no 204. Mais les écrivains originaux ne font aucune réflexion sur cette extraordinaire longévité. Il n’existe pas, je crois, un second exemple d’un héros presque centenaire. Théophraste pourrait servir d’exemple d’un écrivain de près de quatre-vingt-dix ans : mais au lieu de εννενηκοντα (Proæm. ad Character.), je me sens aussi disposé à lire εβδομηκοντα, comme l’a jugé son dernier éditeur Fischer, et comme l’a pensé d’abord Casaubon. Il est presque impossible que le corps et l’imagination conservent leur vigueur dans un âge si avancé.
  2. Les Vénitiens modernes (Laugier, t. II, p. 119) accusent l’empereur Manuel ; mais cette calomnie est réfutée par Villehardouin et les anciens écrivains, qui supposent que Dandolo perdit la vue à la suite d’une blessure (no 34 et Ducange).