Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/414

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argumens et les demandes d’Andronic furent éludés avec une froide et dédaigneuse indifférence. Les rois de France et de Naples rejetèrent les dangers et la gloire d’une croisade. Le pape refusa de convoquer un nouveau concile pour régler les anciens articles de la foi ; et par égard pour les vieilles prétentions de l’empereur et du clergé latin, il fit usage, dans sa réponse à l’empereur grec, d’une souscription offensante : « Au Moderator[1] ou gouverneur des Grecs, et à ceux qui se disent les patriarches de l’Église d’Orient. » On ne pouvait choisir pour cette ambassade une circonstance ou un caractère moins favorable. Benoît XII[2] était un lourd paysan, toujours embarrassé de scrupules, et abruti par le vin

  1. L’ambiguité de ce titre est heureuse ou ingénieuse ; et moderator comme synonyme de rector, gubernator, est un terme de la latinité classique et même cicéronienne qu’on trouvera non pas dans le Glossaire de Ducange, mais dans le Thesaurus de Robert Étienne.
  2. La première épître (sine titulo) de Pétrarque représente le danger de la barque et l’incapacité du pilote. Hæc inter, vino madidus, ævo gravis ac soporifero rore perfusus, jamjam nutitat, dormitat, jam somno præceps atque (utinam solus) ruit… heu quanto felicius patrio terram sulcasset aratro, quam scalmum piscatorium ascendisset. Cette satire engage son biographe à peser les vertus et les vices de Benoit XII, qui ont été exagérés par les guelfes et par les gibelins, par les papistes et les protestans. (Voyez les Mémoires sur la vie de Pétrarque, tome I, p. 259 ; II, not. 15, p. 13-16.) Ce fut lui qui donna occasion au proverbe Bibamus papaliter.