Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/50

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leur première faute, pour qu’ils évitassent de souiller à l’avenir leurs armes en répandant le sang des chrétiens ; l’apôtre romain avait prononcé, et il ne leur appartenait pas de punir le schisme des Grecs, ou de venger les droits suspects des empereurs de Byzance. D’après ces principes ou ces prétextes, un grand nombre de pèlerins, les plus distingués par leur valeur et leur piété, se retirèrent du camp, et leur départ fut moins funeste que l’opposition ouverte ou secrète d’un parti de mécontens qui saisirent toutes les occasions de désunir l’armée, et de nuire au succès de l’entreprise.

Départ de Zara pour Constantinople. A. D. 1203, 7 avril. Arrivée. Juin 24.

Malgré cette défection, les Vénitiens pressèrent vivement le départ, et cachèrent probablement, sous l’extérieur d’un zèle généreux pour Alexis, leurs ressentimens contre sa nation et contre sa famille. La préférence accordée récemment à la république de Pise, leur rivale dans le commerce, blessait leur cupidité ; et ils avaient de longs et terribles comptes à régler avec la cour de Byzance, Dandolo ne démentait peut-être pas le conte populaire qui accusait l’empereur Manuel d’avoir violé, dans la personne du doge, les droits des nations et de l’humanité, en le privant de la vue tandis qu’il était revêtu du caractère sacré d’ambassadeur. On n’avait point vu, depuis plusieurs siècles, un pareil armement sur la mer Adriatique ; cent vingt bateaux plats, ou palandres, pour les chevaux ; deux cent quarante vaisseaux chargés de soldats et d’armes, et soixante-dix de provisions, soutenus par cinquante fortes galères, bien pré-