Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/78

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leur récompense, la gloire a immortalisé leurs noms. On escalada quatre tours, on enfonça les portes, et les chevaliers français, qui n’étaient peut-être pas fort rassurés sur l’océan, se crurent invincibles dès qu’ils se sentirent portés sur leurs chevaux et sur la terre ferme. Dois-je raconter que des milliers de soldats qui environnaient l’empereur, prirent la fuite à l’approche d’un seul guerrier ? Cette fuite ignominieuse est attestée par Nicétas, leur compatriote ; une armée de fantômes accompagnait le héros français, et il parut un géant aux yeux des Grecs[1]. Tandis que les vaincus abandonnaient leurs postes et jetaient leurs armes, les Latins entrèrent dans la ville sous les étendards de leurs chefs. Tous les obstacles disparurent à leur approche ; et, soit à dessein ou par accident, un troisième incendie consuma en peu d’heures une partie de la ville égale en étendue à trois des plus grandes villes de la France[2]. Sur le soir, les barons rappelèrent leurs troupes et fortifièrent leurs postes.

  1. En faisant allusion à Homère, Nicétas l’appelle εννεα οργυιας, haut de neuf orgyæ ou dix-huit verges anglaises, environ cinquante pieds. Une pareille taille aurait en effet rendu la terreur des Grecs fort excusable. L’auteur paraît dans cette occasion plus attaché aux merveilles qu’à son pays, ou peut-être à la vérité. Baudouin s’écrie dans les termes du psalmiste, Persequitur unus ex nobis centum alienos.
  2. Villehardouin (no 130) ignore encore les auteurs de cet incendie, moins condamnable que le premier, et dont Gunther accuse quidam comes Teutonicus (c. 14). Ils semblent rougir, les incendiaires !