Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/77

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ils renouvelèrent l’assaut avec la même valeur et aussi peu de succès. Pendant la nuit, le doge et les barons tinrent conseil ; ils n’étaient effrayés que du danger public, et pas une seule voix ne prononça le mot de traité ou de retraite. Chaque guerrier, selon son caractère, s’attacha à l’espérance de vaincre ou de mourir glorieusement[1]. L’expérience du premier siége avait instruit les Grecs, mais elle animait les Latins ; et la certitude que Constantinople pouvait être prise, était pour eux d’un bien plus grand avantage que ne le pouvaient être pour leurs ennemis la connaissance de quelques précautions locales à prendre pour sa défense. Au troisième assaut, on enchaîna deux vaisseaux ensemble pour en doubler la force ; un vent du nord les chassait vers le rivage : les évêques de Troyes et de Soissons conduisaient l’avant-garde, et les noms de ces deux vaisseaux, le Pèlerin et le Paradis, retentissaient le long de la ligne[2] comme un favorable augure. Les bannières épiscopales furent plantées sur les murs ; on avait promis cent marcs d’argent aux premiers qui les escaladeraient ; et si la mort les priva de

  1. Villehardouin (no 126) avoue que mult ere grant péril ; et Gunther (Hist. C. P., c. 13) affirme que nulla spes victoriæ arridere poterat. Cependant le chevalier parle avec mépris de ceux qui pensaient à la retraite, et le moine donne des louanges à ceux de ses compatriotes qui étaient résolus de mourir les armes à la main.
  2. Baudouin et tous les écrivains honorent les noms de ces deux galères de felici auspicio.