Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/91

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main gauche ; ses regards pensifs annonçaient l’indignation. 11o. Une autre statue colossale de Junon, l’ancien ornement de son temple de Samos ; quatre paires de bœufs transportèrent avec peine son énorme tête jusqu’au palais. 12o. Un troisième colosse de Pallas ou Minerve, de trente pieds de hauteur, et qui représentait avec une admirable énergie le caractère et les attributs de cette vierge martiale. Il est juste d’observer que les Grecs détruisirent eux-mêmes cette Pallas, après le premier siége, par un motif de crainte et de superstition[1]. Les croisés, dans leur cupidité incapable de sentiment, brisèrent ou fondirent les autres statues de cuivre dont je viens de donner le détail ; le prix et le travail de ces ouvrages disparurent en un moment. Le génie des artistes s’évapora en fumée, et le métal grossier, converti en monnaie, servit à payer les soldats. Les monumens de bronze ne sont pas les plus durables ; les Latins purent détourner avec un mépris stupide leurs regards des marbres animés par les Phidias et les Praxitèle[2] ; mais à moins de quelque accident,

  1. Nicétas, in Isaaco Angelo et Alexio, c. 3, p. 359. L’éditeur latin observe très-judicieusement que l’historien fait dans son style emphatique ex pulice elephantem.
  2. Nicétas, dans deux passages (édition de Paris, p. 360 ; Fabricius, p. 408), couvre les Latins de reproche piquant de οιτο‌υ καλο‌υ ανερασ‌τοι Βαρβαροι, et il s’explique clairement sur leur avidité pour le cuivre. Cependant les Vénitiens eurent le mérite de transporter quatre chevaux de bronze de Constantinople à la place de Saint-Marc (Sanuto, Vite