Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ces blocs inutiles demeuraient en sûreté sur leurs piédestaux[1]. Les plus éclairés d’entre les pèlerins, ceux qui ne partageaient pas les goûts grossiers et sensuels de leurs compatriotes, exercèrent pieusement leur droit de conquête sur les reliques des saints[2]. Cette révolution procura aux églises d’Europe une immensité de têtes, d’os, de croix et d’images, et augmenta tellement par ce moyen les pèlerinages et les offrandes, que ces reliques devinrent peut-être la partie la plus lucrative du butin rapporté de l’Orient[3]. Une grande partie des écrits de l’antiquité, perdus aujourd’hui, existaient encore au douzième siècle ; mais les pèlerins n’étaient empressés ni de conserver ni de transporter des volumes d’une langue étrangère. La multiplicité des copies peut seule perpétuer des papiers ou des parchemins que le moindre accident peut détruire ; la littérature des Grecs était concentrée presque en totalité dans la capitale[4] ; et sans connaître toute

    dei Dogi, in Muratori, Script. rerum italicar., t. XXII, p. 534).

  1. Winckelman, Hist. de l’Art, t. III, p. 269-270.
  2. Voyez le vol pieux de l’abbé Martin, qui transporta une riche cargaison dans son couvent de Paris, diocèse de Bâle (Gunther, Hist. C. P., c. 19-23, 24). Cependant, en dérobant ces saintes dépouilles, le saint encourut la peine d’excommunication, et fut peut-être infidèle à un serment.
  3. Fleury, Hist. ecclés., t. XVI, p. 139-145.
  4. Je terminerai ce chapitre par quelques mots sur une histoire moderne, qui donne les détails de la prise de Constantinople par les Latins, mais qui n’est tombée qu’un peu