Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/96

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auraient pu mériter les éloges et l’envie des plus jeunes chevaliers ; mais le patriote Dandolo dédaignait toute ambition personnelle, et se contenta de l’honneur des suffrages qui le déclaraient digne de régner. Les Vénitiens, ses compatriotes, et peut-être ses amis, s’opposèrent eux-mêmes à sa nomination[1] : ils représentèrent avec l’éloquence de la vérité les inconvéniens qui pouvaient résulter pour la liberté nationale et pour la cause commune, de l’union incompatible de la première magistrature d’une république et de la souveraineté de l’Orient. L’exclusion du doge laissa le champ libre aux mérites plus balancés de Boniface et de Baudouin, et tous les candidats moins illustres abandonnèrent respectueusement leurs prétentions. La maturité de l’âge, une réputation brillante, le choix des aventuriers et le vœu des Grecs, recommandaient le marquis de Montferrat ; et j’ai peine à croire que ses petites possessions au pied des Alpes[2] aient pu donner de l’inquiétude à la république de Venise, maîtresse de la

  1. Après avoir rapporté la nomination du doge par un électeur français, son parent André Dandolo approuve son exclusion, quidam Venetorum fidelis et nobilis senex, usus oratione satis probabili, etc., que les écrivains modernes, depuis Blondus jusqu’à Le Beau, ont brodée chacun à leur fantaisie.
  2. Nicétas (p. 384), vain et ignorant comme un Grec, désigne le marquis de Montferrat comme le chef d’une puissance maritime, Λαμϖαρδιαν δε οικεισθαι παραλιον ; peut-être a-t-il été induit en erreur par le thème byzantin de Lombardie, situé sur les côtes de la Calabre.