Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/110

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mur intérieur. Ce trait de lâcheté déshonora une vie toute guerrière ; il survécut peu de jours, et ses derniers instans, qu’il passa à Galata ou dans l’île de Chios, furent empoisonnés par les reproches de sa conscience et par ceux du public[1]. La plupart des auxiliaires latins imitèrent son exemple, et la défense se relâcha au moment où l’attaque était poussée avec le plus de vigueur. Le nombre des Ottomans était cinquante fois, peut-être cent fois plus considérable que celui des chrétiens : les doubles murs de la place, foudroyés par l’artillerie, n’offraient plus qu’un amas de ruines : il devait y avoir dans une circonférence de plusieurs milles, des endroits accessibles ou mal gardés, et si les assiégeans se rendaient maîtres d’un seul point, la ville se trouvait à jamais perdue. Hassan le janissaire, d’une stature et d’une force gigantesque, mérita le premier la récompense qu’avait promise le sultan. Son cimeterre d’une main et son bouclier de l’autre, il escalada le mur extérieur ; dix-huit de trente janissaires, émules de sa valeur, périrent sous le fer de l’ennemi ; parvenu au sommet, et s’y défendant avec ses douze camarades,

  1. Phranza, dans la sévère censure qu’il fait de l’évasion de Justiniani, exprime sa douleur et celle du public, Ducas, d’après des raisons que nous ne connaissons point, le traite avec plus de douceur et d’égard ; mais les expressions de Léonard de Chios manifestent une indignation encore dans toute sa force, gloriæ salutis suîque oblitus. Les Génois, compatriotes de Justiniani, ont toujours été suspects et souvent coupables dans tout ce qu’ils ont fait en Orient.