Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/109

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L’artillerie des lignes, des galères et du pont des assaillans foudroyait les Grecs sur tous les points ; le camp, la ville, les assiégeans et les assiégés étaient environnés d’un nuage de fumée qui ne pouvait plus être dissipé que par la délivrance ou la destruction complète de l’Empire romain. Les combats singuliers des héros de l’histoire et de la fable amusent notre imagination et nous inspirent de l’intérêt ; les savantes évolutions de la guerre peuvent éclairer l’esprit et perfectionner un art nécessaire, quoique pernicieux au genre humain ; mais dans la peinture d’un assaut général, tout est sang, horreur et confusion ; et séparé par trois siècles et un millier de milles d’une scène qui n’a point eu de spectateurs, et dont les acteurs eux-mêmes ne pouvaient se former une idée exacte ou complète, je n’essaierai pas de la dessiner.

Si Constantinople ne fit pas une plus longue résistance, il faut l’attribuer à la balle ou au trait qui perça la main de Justiniani à travers son gantelet. La vue de son sang et l’extrême douleur que lui causait sa blessure, abattirent son courage : il était, par son bras et ses conseils, le plus ferme rempart de la ville. Comme il abandonnait son poste pour chercher un chirurgien, l’infatigable empereur s’aperçut de sa retraite, et l’arrêta : « Votre blessure, s’écria Paléologue, est légère ; le danger est imminent ; votre présence est nécessaire, et de quel côté se fera votre retraite ? — Je me retirerai, dit le Génois tremblant, par le chemin que Dieu a ouvert aux Turcs ; » et à ces mots il traverse rapidement une des brèches du