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de cinquante-trois jours, [Perte de la ville et de l’empire.]tomba enfin sous les armes de Mahomet II, cette Constantinople qui avait bravé les forces de Chosroès, du chagan et des califes. Les Latins n’avaient renversé que son empire, mais les musulmans vainqueurs renversèrent sa religion[1].

Les Turcs pillent Constantinople.

Le bruit du malheur vole avec rapidité ; mais telle était l’étendue de la ville, que les quartiers les plus éloignés demeurèrent encore quelques momens dans l’heureuse ignorance de leur triste sort[2]. Mais au milieu de la consternation générale, au milieu des affreuses inquiétudes que chacun éprouvait pour soi ou pour la patrie, au milieu du tumulte et du bruyant fracas de l’assaut, le repos, sans doute, approcha peu cette nuit des habitans de Constantinople ; et j’ai peine à croire qu’un grand nombre de femmes grecques aient été éveillées par les janissaires d’un profond et tranquille sommeil. Dès que le malheur public fut certain, les maisons et les couvens se trouvèrent en un instant déserts ; les habitans tremblans s’amoncelaient dans les rues comme une troupe

  1. Chalcocondyles suppose ridiculement que les Asiatiques saccagèrent Constantinople pour venger les anciens malheurs de Troie ; et les grammairiens du quinzième siècle se plaisent à faire dériver la grossière dénomination de Turcs du nom plus classique de Teucri.
  2. Lorsque Cyrus surprit Babylone, qui célébrait une fête, la ville était si grande et les habitans faisaient la garde avec si peu de soin, qu’il fallut un long temps pour instruire les quartiers éloignés du succès du roi de Perse. Hérodote (l. I, c. 191), et Usher (Annal., p. 78), qui cite sur ce point un passage du prophète Jérémie.