Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/114

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de timides animaux ; comme si la réunion de leur faiblesse eût dû produire la force, ou se flattant peut-être que dans cette foule chacun d’eux se trouverait caché et en sûreté. Ils se réfugiaient de toutes parts dans l’église de Sainte-Sophie ; en moins d’une heure, les pères et les maris, les femmes et les enfans, les prêtres, les moines et les religieuses, remplirent le sanctuaire, le chœur, la nef et les galeries supérieures et inférieures ; ils en barricadèrent les portes, ils cherchaient un asile dans ce temple sacré qui, la veille encore, leur paraissait un édifice souillé. Leur confiance se fondait sur la prédiction d’un fanatique ou d’un imposteur qui avait annoncé que les Turcs emporteraient Constantinople, qu’ils poursuivraient les Grecs jusqu’à la colonne de Constantin, sur la place qui précède Sainte-Sophie, mais que ce serait le terme des malheurs de Byzance ; qu’un ange descendrait du ciel un glaive à la main, et livrerait son glaive et l’empire à un pauvre homme assis au pied de la colonne ; qu’il lui dirait : « Prends ce glaive et venge le peuple du Seigneur ; » qu’à ces mots les Turcs prendraient la fuite, que les Romains victorieux les chasseraient alors de l’Occident et de toute l’Anatolie, jusqu’aux frontières de la Perse. C’est à ce propos que Ducas reproche aux Grecs, avec une grande vérité et d’une manière assez piquante, leur discorde et leur opiniâtreté : « Si l’ange avait paru, s’écrie cet historien, s’il eût proposé d’exterminer vos ennemis à condition que vous souscririez l’union de l’Église, dans ce fatal moment vous auriez encore