Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

giques, il avait été disciple du fameux et infortuné Abeilard[1], qui fut de même soupçonné d’hérésie ; mais l’amant d’Héloïse avait de la douceur et de la flexibilité dans le caractère, et l’humilité de son repentir édifia et désarma les juges ecclésiastiques. Il est vraisemblable qu’Arnaud emprunta de son maître quelques définitions métaphysiques de la Trinité, contraires au goût de son temps : on censura vaguement ses idées sur le baptême et l’eucharistie ; mais une hérésie politique fut la source de sa réputation et de ses malheurs. Il osa rappeler cette déclaration de Jésus-Christ, que son royaume n’est pas de ce monde ; Arnaud soutint hardiment que le glaive et le sceptre appartenaient au magistrat civil ; que les honneurs et les possessions temporelles étaient le légitime apanage des laïques ; que les abbés, les évêques et le pape lui-même devaient renoncer à leurs domaines ou à leur salut ; qu’après l’abandon de leurs revenus, les dîmes et les oblations volontaires des fidèles devaient leur suffire, non à satisfaire aux besoins du luxe et de l’avarice, mais à mener la vie frugale qui convient à l’exercice des travaux spirituels. Le prédicateur fut révéré quelque

  1. Bayle, entraîné par son maudit penchant à la plaisanterie, s’est amusé dans son Dictionnaire critique à composer avec autant de légèreté que de savoir, les articles Abeilard, Foulques et Héloïse. Mosheim expose très-bien la dispute d’Abeilard et de saint Bernard sur plusieurs points de théologie scolastique et positive (Instit. Hist. ecclés., p. 412-415).