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si récemment achetée par eux ; et après le premier siége de Constantinople, l’absence, les malheurs de Paléologue, les injures qu’il en reçut, n’engagèrent jamais le sultan à hâter les derniers momens de l’empire de Byzance.

Ses deux abdications successives. A. D. 1442-1444.

Mais le trait le plus frappant du caractère et de la vie d’Amurath, est sans doute d’avoir abdiqué deux fois le trône ; si ses motifs n’eussent pas été dégradés par un mélange de superstition, nous ne pourrions refuser des louanges à un monarque philosophe[1] qui, à l’âge de quarante ans, sut discerner le néant des grandeurs humaines. Après avoir remis le sceptre entre les mains de son fils, il se retira dans l’agréable retraite de Magnésie ; mais il y chercha la société des saints et des ermites. Ce n’était pas avant le quatrième siècle de l’hégyre que la religion de Mahomet s’était laissé corrompre par une institution si opposée à son caractère ; mais durant les croisades, l’exemple des moines chrétiens et même latins multiplia les divers ordres de derviches[2]. Le maître des nations s’asservit à jeûner, à prier et à tourner

  1. Voltaire (Essai sur l’Histoire générale, c. 8, p. 283, 284) admire le philosophe turc. Aurait-il fait le même éloge d’un prince chrétien qui se serait retiré dans un monastère ? Voltaire était à sa manière bigot et intolérant.
  2. Voyez dans la Bibliothéque orientale de d’Herbelot les articles derviche, fakir, Nasser, Rohbaniat. Cependant les écrivains arabes et persans ont traité superficiellement ce sujet ; et c’est parmi les Turcs que ces espèces de moines se sont principalement multipliés.