Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/227

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leurs ruines majestueuses fortifia ces vives impressions. Il aima un pays qui, après l’avoir couronné, l’adoptait pour un de ses enfans. La pauvreté et l’abaissement de Rome excitèrent l’indignation et la pitié de ce fils reconnaissant ; il dissimula les fautes de ses concitoyens ; il applaudissait avec enthousiasme aux derniers héros et aux dernières matrones de la république ; et, entraîné par le souvenir du passé et des espérances sur l’avenir, il se plaisait à oublier la misère du temps où il vivait. Rome était toujours à ses yeux la maîtresse légitime du monde ; le pape et l’empereur, son évêque et son général, avaient abandonné leur poste, par une honteuse retraite sur les bords du Rhône et du Danube ; mais la république, en reprenant ses vertus, pouvait rétablir sa liberté et sa domination. Tandis que l’enthousiasme et l’éloquence[1] le livraient ainsi à leurs brillantes chimères, une révolution qui parut prête à les réaliser vint étonner Pétrarque, l’Italie et l’Europe. Je vais parler de l’élévation et de la chute du tribun Rienzi[2] : le sujet a de l’intérêt, les matériaux

  1. Pour avoir des preuves de son enthousiasme pour Rome, j’invite seulement le lecteur à ouvrir au hasard les Œuvres de Pétrarque ou l’ouvrage de son biographe français. Ce dernier a décrit le premier voyage du poète à Rome (t. I, p. 323-335) ; mais, au lieu de tant de fleurs de rhétorique et de moralités, Pétrarque aurait dû, pour l’amusement de son siècle et de la postérité, nous donner une description exacte de la ville et de son couronnement.
  2. Le P. du Cerceau, jésuite, a écrit l’Histoire de la Con-