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la joie ; son respect pour le pape, sa reconnaissance pour les Colonne, disparurent auprès des devoirs plus sacrés de citoyen. Le poète lauréat du Capitole approuve la révolution, applaudit au héros, et à travers quelques craintes et quelques avis, présente à la république les plus brillantes espérances d’une grandeur éternelle et toujours croissante[1].

Ses vices et ses folies.

Tandis que Pétrarque s’abandonnait à ses visions prophétiques, la réputation et le pouvoir de son héros déclinaient avec rapidité ; le peuple, qui avait vu d’un œil d’admiration l’ascension du météore, commençait à remarquer les irrégularités de sa marche, et les ombres qui ternissaient souvent son éclat. Plus éloquent que judicieux, plus entreprenant que résolu, Rienzi ne tenait pas ses talens asservis à l’empire de la raison ; il exagérait toujours dans une proportion décuple les objets de crainte et d’espoir, et la prudence qui n’aurait pas suffi pour élever son trône, ne s’occupa point à le soutenir. Au faîte des grandeurs, ses bonnes qualités prirent insensiblement le caractère des vices qui touchent à chaque vertu ; sa justice dégénéra en cruauté, sa libéralité en profusion, et le désir de la réputation devint en lui une ostentation et une vanité puérile. Il aurait dû savoir que les premiers tribuns, si forts et si sacrés dans l’opinion publique, ne se distinguaient ni

  1. Voy. l’Épistola hortarotia de Capessendâ republicâ, que Pétrarque adressa à Rienzi (Opp., p. 535-550), et sa cinquième églogue ou pastorale, qui est une allégorie continuelle et remplie d’obscurité.