Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toujours trompées de Pétrarque venaient d’une fausse application des noms et des maximes de l’antiquité. Il aurait dû voir que les temps, ni les caractères, n’étaient pas les mêmes, que la différence était incommensurable entre le premier des Césars et un prince bohémien élevé par la faveur du clergé au rang de chef titulaire de l’aristocratie germanique. Loin de songer à rendre à Rome sa gloire et ses provinces, Charles avait promis au pape, par un traité secret, de sortir de Rome le jour de son couronnement ; et dans sa honteuse retraite il fut poursuivi par les reproches du poète patriote[1].

Il sollicite les papes d’Avignon de venir résider à Rome.

Pétrarque ne pouvant plus espérer le rétablissement de la liberté ni de l’empire, forma des vœux moins élevés ; il entreprit de réconcilier le pasteur et le troupeau, et de ramener l’évêque de Rome dans son ancien et véritable diocèse. Son zèle sur ce point ne se ralentit jamais ; on le vit, soit dans la ferveur de sa jeunesse, soit lorsqu’il eut acquis l’autorité de l’âge, adresser successivement ses exhortations à cinq papes, et son éloquence fut toujours animée du sentiment et de la franchise d’une noble liberté[2] :

  1. L’abbé de Sade décrit d’une manière agréable, et d’après Pétrarque lui-même, la confiance et les espérances trompées du poète (Mém., t. III, p. 375-413) ; mais sa plus grande douleur, bien que la plus cachée, fut le couronnement du poète Zanubi par l’empereur Charles IV.
  2. Voyez dans les Mémoires agréables et exactes de l’abbé de Sade, la lettre de Pétrarque à Benoit XII, en 1334 (t. I, p. 261-265), à Clément VI, en 1342 (t. II, p. 45-47) et à