Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/301

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abolit les lieux de franchise séculiers où se retiraient les scélérats[1] ; il créa une marine et une armée de terre ; il rétablit les monumens de l’antiquité, il voulut les égaler dans ses constructions ; et après avoir usé noblement du revenu public et l’avoir considérablement augmenté, il laissa cinq millions d’écus dans le château Saint-Ange ; mais la cruauté souilla sa justice ; des vues de conquête furent la cause de son activité ; les abus reparurent à sa mort : on dissipa le trésor qu’il avait amassé ; il chargea la postérité de trente-cinq nouveaux impôts et de la vénalité des offices ; et dès qu’il eut rendu le dernier soupir, un peuple ingrat ou opprimé renversa sa statue[2].

  1. Les ministres étrangers ont emprunté de la noblesse de Rome ces lieux privilégiés, quartieri ou franchises. Jules II avait aboli l’abominandum et detestandum franchitiarum hujus modi nomen ; mais les franchises ont encore reparu après Sixte-Quint. Je ne puis apercevoir la justice ou la grandeur d’âme de Louis XIV, qui, en 1687, envoya à Rome un ambassadeur (le marquis de Lavardin) avec mille officiers, gardes et domestiques armés, pour soutenir ce droit inique et insulter Innocent XI au sein de sa capitale (Vita di Sisto V, t. III, p. 260-278 ; Muratori, Annali d’Italia, t. XV, p, 494-496, et Voltaire, Siècle de Louis XIV, t. II, c. 14, p. 58, 59.)
  2. Cet outrage donna lieu à un décret qui fut inscrit sur le marbre et placé au Capitole. Le style de ce décret est d’une simplicité noble et républicaine. Si quis sive privatus, sive magistratum gerens de collocandâ vivo pontifici statuâ mentionem facere ausit, legitimo S. P. Q. R., decreto in perpetuum infamis et publicorum munerum expers esto M. D. X. C. mense Augusto (Vita di Sisto v, tom. III