Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/33

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tendent que l’empereur grec, intimidé ou séduit, lui avait livré le passage du Bosphore ; et l’amiral génois, catholique et neveu du pape, n’a pu se laver du reproche de s’être laissé corrompre pour livrer la garde de l’Hellespont. D’Andrinople le sultan s’avança à marches forcées à la tête de soixante mille hommes ; et lorsque Huniades et le légat eurent examiné de plus près l’ordre et le nombre des Turcs, ces ardens guerriers proposèrent trop tard une retraite devenue impraticable. Le roi se montra seul résolu de vaincre ou de périr, et peu s’en fallut que sa généreuse résolution ne fût couronnée de la victoire. Les deux monarques combattaient au centre en face l’un de l’autre, et les Beglerbegs, ou généraux de l’Anatolie et de la Romanie, commandaient la droite et la gauche, vis-à-vis des divisions d’Huniades et du despote. Dès la première charge, les ailes de l’armée turque furent rompues ; mais cet avantage devint un malheur. Dans l’ardeur de la poursuite, les vainqueurs dépassèrent l’armée des ennemis, et privèrent leurs compagnons d’un secours nécessaire. Lorsque Amurath vit fuir ses escadrons, il désespéra de sa fortune et de celle de l’empire ; un janissaire vétéran saisit la bride de son cheval ; et le sultan eut la générosité de pardonner et même d’accorder une récompense au soldat qui avait osé apercevoir la terreur de son souverain et s’opposer à sa fuite. Les Turcs avaient exposé en tête de l’armée le traité de paix, monument de la perfidie chrétienne ; on dit que le sultan, tournant ses regards vers le