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pièces, ou bien qu’elle envoya cent trente boulets. Au reste, malgré le pouvoir et l’activité de Mahomet, on aperçoit l’enfance de l’art. Sous un maître qui comptait les momens, le grand canon ne pouvait tirer que sept fois par jour[1]. Le métal échauffé creva ; plusieurs canonniers périrent, et on admira l’habileté d’un fondeur, qui, afin de prévenir cet accident, imagina de verser de l’huile dans les bouches à feu après chaque explosion.

Attaque et défense.

Les premiers boulets des musulmans, envoyés au hasard, firent plus de bruit que de ravage, et ce fut d’après l’avis d’un chrétien que les ingénieurs apprirent à diriger leurs coups sur les deux côtés opposés des angles saillans d’un bastion. Les artilleurs n’étaient pas adroits ; mais la multiplicité des coups produisit de l’effet ; et les Turcs s’étant avancés jusqu’aux bords du fossé, entreprirent de combler cette énorme ouverture, et de se frayer un chemin pour donner l’assaut[2]. Ils y entassèrent une quantité innombrable de fascines, de tonneaux et de troncs

  1. Environ un siècle après le siége de Constantinople, les escadres de France et d’Angleterre se vantèrent d’avoir tiré trois cents coups dans un combat de deux heures qui eut lieu dans la Manche (Mém. de Martin du Bellay, l. X, dans la Collection générale, t. XXI, p. 239).
  2. J’ai choisi quelques faits curieux, sans prétendre à l’éloquence meurtrière et infatigable de l’abbé Vertot, dans ses prolixes récits des siéges de Rhodes, de Malte, etc. Cet agréable historien avait l’esprit romanesque, et écrivant pour plaire aux chevaliers de Malte, il a pris leur enthousiasme et leur esprit de chevalerie.