Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/91

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d’arbres ; et telle fut l’impétuosité des travailleurs, que ceux qui se trouvaient sur les bords ou les plus faibles, furent poussés dans le précipice et ensevelis au même instant sous les masses qu’on y jetait. Les assiégeans s’efforçaient de remplir le fossé, et les assiégés n’avaient d’autre moyen de salut que de rendre ces travaux inutiles ; après des combats longs et meurtriers, ils détruisaient toujours pendant la nuit ce que les soldats de Mahomet avaient fait pendant le jour. L’art des mines offrait une ressource au sultan ; mais le terrain était un rocher ; les ingénieurs chrétiens l’arrêtaient d’ailleurs par des contre-mines : on n’avait pas encore imaginé de remplir de poudre à canon ces passages souterrains, et de faire sauter des tours et des villes entières[1]. Ce qui distingua le siége de Constantinople, ce fut la réunion de l’artillerie ancienne et de l’artillerie moderne. Les bouches à feu étaient entremêlées de machines qui lançaient des pierres et des dards ; le boulet et le bélier battaient les mêmes murs ; et la découverte de la poudre à canon n’avait pas fait négliger l’usage de l’inextinguible feu grégeois. Une immense tour de bois s’approchait sur des cylindres,

  1. La théorie des mines d’artifice se trouve pour la première fois en 1480 dans un manuscrit de George de Sienne (Tiraboschi, t. VI, part. I, p. 324). On les employa d’abord à Sarzanella en 1487 ; mais leur amélioration est de 1503 ; et on en attribue l’honneur à Pierre de Navarre, qui les employa avec succès dans les guerres d’Italie (Hist. de la Ligue de Cambrai, t. II, p. 93-97).