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mer inconnue, et s’abandonnaient à des matelots que la force seule avait contraints à les servir, et dont l’adresse ne devait pas leur être moins suspecte que la fidélité. Mais l’espoir du butin bannissait toute idée de danger, et une intrépidité naturelle suppléait à la confiance plus raisonnable qu’inspirent la science et l’expérience. Sans doute des guerriers si audacieux murmuraient souvent contre des guides timides, qui, n’osant se livrer à la merci des flots sans les assurances les plus fortes d’un calme constant, pouvaient à peine se résoudre à perdre les côtes de vue. Telle est du moins aujourd’hui la pratique des Turcs[1] ; et ces peuples ne sont vraisemblablement pas inférieurs dans l’art de la navigation aux anciens habitans du Bosphore.

Première expédition maritime de ces peuples.

La flotte des Goths laissa la Circassie à gauche, et parut d’abord vers Pityus[2], la dernière limite des provinces romaines, ville pourvue d’un bon port[3], et défendue par une forte muraille. Ils y

  1. Voyez une peinture très-naturelle de la navigation du Pont-Euxin, dans la seizième lettre de Tournefort.
  2. Aujourd’hui Pitchinda. D’Anville, Géogr. anc., l. II, p. 115. (Note de l’Éditeur).
  3. Arrien place la garnison frontière à Dioscurias ou Sebastopolis, à quarante-quatre milles à l’est de Pityus (*). De son temps, la garnison du Phase ne consistait qu’en quatre cents hommes d’infanterie. Voy. le Périple du Pont-Euxin.
    (*) Aujourd’hui Iskuriah, D’Anville, Géogr. anc., tom. I, p. 115. (Note de l’Éditeur.)