Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/85

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intrépide le spectacle effrayant de la destruction, et les blessures honorables de leurs fils et de leurs époux[1]. Des armées en déroute ont été plus d’une fois ramenées à la victoire par le désespoir généreux des femmes, qui redoutaient bien moins la mort que la servitude. S’il ne restait plus de ressource, elles savaient, par leurs propres mains, se dérober, ainsi que leurs enfans, aux outrages du vainqueur[2]. De pareilles héroïnes ont des droits à notre admiration ; mais nous ne croirons sûrement pas qu’elles aient été aimables ni propres à inspirer de l’amour. Elles ne pouvaient imiter les vertus fortes de l’homme, sans renoncer à cette douceur attrayante qui fait à la fois le charme et la faiblesse de la femme. L’orgueil apprenait aux Germaines à étouffer tout mouvement de tendresse qui aurait porté la moindre atteinte à l’honneur, et l’honneur du sexe a toujours été la chasteté. Les sentimens et la conduite de ces fières matrones sont à la fois une des causes, un des effets, et l’une des preuves du caractère général de la nation. Le courage des femmes, quoique produit par le fanatisme, ou soutenu par l’habitude, n’est qu’une image faible et imparfaite de la valeur qui distingue les hommes d’un siècle ou d’une contrée.

  1. Le changement de exigere en exugere est une excellente correction.
  2. Tacite, Germ., 7 ; Plutarque, Vie de Marius. Les femmes des Teutons, avant de se tuer et de massacrer leurs enfans, avaient offert de se rendre, à condition qu’elles seraient reçues comme esclaves des vestales.