Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/148

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ties, et qu’ils sont obligés de les étudier avec vénération et avec piété, pour en trouver le sens et l’accomplissement ; mais cette manière de raisonner perd beaucoup de sa force et de son influence, dès qu’il s’agit de convaincre ceux qui ne comprennent ni ne respectent les institutions de Moïse et le style prophétique[1]. Entre les mains peu habiles de saint Justin martyr, et des apologistes suivans, l’esprit sublime des oracles hébreux s’évapore en types éloignés, en pensées remplies d’affectation et en froides allégories. Leur authenticité même devait paraître suspecte à un païen peu éclairé, par le mélange de pieuses impostures que, sous les noms d’Orphée, d’Hermès et des Sibylles[2], on assimilait aux inspirations célestes. Cet assemblage de fraudes et de sophismes, que l’on adoptait pour appuyer la révéla-

  1. Si la fameuse prophétie des soixante-dix semaines avait été alléguée à un philosophe romain, n’aurait-il pas répondu comme Cicéron : Quæ tandem ista auguratio est, annorum potiùs quam aut mensium aut dierum ? De divinatione, II, 30. Remarquez avec quelle irrévérence Lucien (in Alexandro, c. 13) et son ami Celsus (ap. Origen., l. VII, p. 327) parlent des prophètes hébreux.
  2. Les philosophes qui se moquaient des plus anciennes prédictions des sibylles, auraient facilement découvert les fraudes soit juives, soit chrétiennes, que les pères, depuis saint Justin martyr jusqu’à Lactance, ont citées d’un air si triomphant. Lorsque les vers sibyllins eurent rempli leur tâche, ils furent abandonnés, comme l’avait été le système des millenaires. La sibylle chrétienne avait malheureusement fixé la ruine de Rome pour l’année 195. A. U. C. 948.