jardins du prince furent ouverts à la multitude des infortunés ; des bâtimens construits à la hâte leur servirent d’asile, et l’on distribua en grande abondance du blé et des vivres à un prix très-modéré[1]. Il paraît que la politique la plus généreuse dicta les édits qui réglaient la disposition des rues et la construction des maisons particulières ; et comme il arrive ordinairement dans un siècle de prospérité, l’embrasement de Rome produisit en peu d’années une nouvelle ville, plus régulière et plus belle que la première. Mais toute la prudence de Néron, et toute l’humanité qu’il affecta, ne purent le mettre à l’abri du soupçon public : il n’était point de crime que l’on ne pût imputer à l’assassin de sa femme et de sa mère ; et le prince qui avait prostitué sa personne et sa dignité sur le théâtre paraissait capable de la folie la plus extravagante. On accusait hautement l’empereur d’avoir mis le feu à sa capitale ; et comme les histoires les plus incroyables sont celles qui conviennent le mieux à un peuple en fureur, on avançait sérieusement, et on croyait avec certitude, que Néron, jouissant d’un désastre qu’il avait causé, s’amusait dans ce moment cruel à chanter sur sa lyre la destruction de l’ancienne Troie[2]. Pour détour-
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