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reux châtimens, on ne pouvait s’empêcher de les plaindre, parce qu’ils n’étaient pas immolés à l’utilité publique, mais à la cruauté d’un seul[1]. » Ceux qui contemplent d’un œil curieux les révolutions du genre humain, peuvent observer que les jardins et le cirque de Néron sur le Vatican, qui furent arrosés du sang des premiers chrétiens, sont devenus bien plus fameux encore par le triomphe de la religion persécutée, et par l’abus qu’elle a fait de ses victoires. Sur le même terrain[2], les pontifes chrétiens ont élevé dans la suite un temple qui surpasse de beaucoup les antiques monumens de la gloire du Capitole. Ce sont eux qui, tirant d’un humble pêcheur de Galilée leurs prétentions à la monarchie universelle, ont succédé au trône des Césars ; et qui, après avoir donné des lois aux conquérans barbares de Rome, ont étendu leur juridiction spirituelle, depuis la côte de la mer Glaciale jusqu’aux rivages de l’océan Pacifique.

Remarques sur le passage de Tacite concernant la persécution des chrétiens par Néron.

Avant de perdre entièrement de vue la persécution de Néron, nous croyons devoir ajouter un petit nombre de remarques qui pourront servir à lever les difficultés que présente le récit de cet événement et à jeter quelque lumière sur l’histoire postérieure de l’Église.

1o. Le scepticisme le plus hardi est forcé de res-

  1. Tacite, Annal., XV, 44. (La traduction est du père Dotteville.)
  2. Nardini, Roma antica, p. 387 ; Donatus, de Româ antiquâ, l. III, p. 449.