Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/202

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était l’objet de leurs recherches[1]. Les moines des siècles suivans, qui, dans leurs solitudes paisibles, prenaient plaisir à diversifier la mort et les souffrances des premiers martyrs, ont souvent inventé des tourmens d’une espèce plus raffinée et plus ingénieuse. Il leur a plu, entre autres, de supposer que les magistrats romains, foulant aux pieds toute considération de vertu morale et de décence publique, s’efforçaient de séduire ceux qu’ils ne pouvaient vaincre, et que l’on exerçait, par leurs ordres, la violence la plus brutale contre ceux qui avaient résisté à la séduction. Des femmes, que la religion avait préparées à mépriser la mort, subissaient quelquefois une épreuve plus dangereuse, et se trouvaient réduites à la nécessité de décider si elles mettaient leur foi à un plus haut prix que leur chasteté. Le juge les livrait aux embrassemens impurs de quelques jeunes gens, et il exhortait solennellement ces ministres de sa violence à maintenir de toutes leurs forces l’honneur de Vénus contre une vierge impie qui refusait de brûler de l’encens sur ses autels. Au reste, ils ne parvenaient presque jamais à leur but, et l’interposition de quelque miracle venait à propos délivrer les chastes épouses de Jésus-Christ de la honte d’une défaite même involontaire. Il ne faut pas, à la vérité, négliger d’observer que les mé-

  1. En particulier voyez Tertullien (Apolog., c. 2, 3), et Lactance (Inst. div., V, 9). Leurs raisonnemens sont presque les mêmes ; mais il est facile d’apercevoir que l’un de ces apologistes avait été jurisconsulte, et l’autre rhéteur.