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moires les plus anciens et les plus authentiques de l’Église[1] sont rarement défigurés par des fictions si folles et si indécentes[2].

Humanité des magistrats romains.

C’est par une méprise bien naturelle que l’on a si peu respecté la vérité et la vraisemblance dans le tableau des premiers martyrs. Les écrivains ecclésiastiques du quatrième et du cinquième siècle, animés d’un zèle implacable et inflexible contre les hérétiques ou les idolâtres de leur temps ont supposé que les magistrats de Rome avaient été dirigés par les mêmes sentimens. Parmi ceux qui étaient revêtus de quelques dignités dans l’Empire, on en voyait peut-être quelques-uns qui avaient adopté les préjugés de la populace. La cruauté des autres

  1. Les Mémoires les plus anciens et les plus authentiques de l’Église rapportent plusieurs exemples de ce fait, que rien ne contredit d’ailleurs. Tertullien dit entre autres : Nam proximè ad lenonem damnando christianam, potiusquam ad leonem, confessi estis labem pudicitiæ apud nos atrociorem omni pœnâ et omni morte reputari. (Apol., cap. ult., p. 40) Eusèbe dit aussi : « D’autres vierges traînées dans des lieux infâmes, ont perdu la vie plutôt que de souiller leur vertu. » (Eusèbe, Hist. ecclés. l. VIII, c. 14, p. 235.) (Note de l’Éditeur.)
  2. Voyez deux exemples de cette espèce de torture dans les Acta sincera martyrum, publiés par Ruinart, p. 160, 399. Saint Jérôme, dans sa légende de saint Paul l’ermite, rapporte une étrange histoire d’un jeune homme que l’on avait enchaîné nu sur un lit de fleurs, et qui était exposé aux assauts d’une courtisane aussi belle que voluptueuse. Il réprima la tentation en se coupant la langue avec les dents.