Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

immortel qu’ils promettaient avec assurance aux chrétiens assez heureux pour répandre leur sang dans la cause de la religion[1]. Ils avaient soin d’inculquer que le feu du martyr tenait lieu de tout, et qu’il expiait tous les péchés ; que, bien différens des chrétiens ordinaires dont les âmes sont obligées de subir une purification lente et pénible, les martyrs triomphans entraient immédiatement dans le séjour du bonheur éternel, où, jouissant de la société des patriarches, des apôtres et des prophètes, ils régnaient avec Jésus-Christ, et assistaient au jugement universel du genre humain. L’assurance d’une réputation durable sur la terre, motif si propre à flatter la vanité de l’homme, animait souvent le courage des martyrs. Les honneurs que Rome et Athènes accordaient aux citoyens morts pour la patrie, n’étaient que de froides démonstrations, que de vaines marques de respect, comparés à la gratitude, à la dévotion ardente avec laquelle la primitive Église célébrait les glorieux champions de l’Évangile. L’anniversaire de leurs vertus et de leurs souffrances était regardé comme une fête sacrée, qui fut convertie, dans la suite, en un culte religieux. Il arrivait fréquemment que les magistrats païens ne punissaient pas du dernier supplice ceux qui avaient con-

  1. Voyez en particulier le traité de saint Cyprien, De Lapsis, 87-98, édit. Fell. L’érudition de Dodwell (Dissert. Cypr., XII, XIII) et la sagacité de Middleton (Free inquiry, p. 162, etc.) ne nous laissent presque rien à ajouter concernant le mérite, les honneurs et les motifs des martyrs.