Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/24

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voulurent les faire adopter aux gentils, qui augmentaient continuellement le nombre des fidèles. Ces chrétiens judaïsans semblent avoir trouvé des argumens assez plausibles dans l’origine céleste de la loi mosaïque, et dans les perfections immuables de son grand auteur. Ils prétendaient que si l’Être, qui est le même dans toute l’éternité, avait eu dessein d’abolir ces rites sacrés qui avaient servi à distinguer son peuple choisi, ce second acte de sa volonté aurait été annoncé d’une manière aussi claire et aussi solennelle que le premier. Que dans ce cas, la religion de Moïse, au lieu de ces déclarations fréquentes qui en supposent ou qui en assurent la perpétuité, aurait été représentée comme un plan provisoire destiné à subsister seulement jusqu’à ce que le Messie fût venu enseigner aux hommes une foi et un culte plus parfaits[1]. Le Messie lui-même et ses disciples qui conversèrent avec lui sur la terre, loin d’autoriser par leur exemple les petites observances de la loi mosaïque[2], auraient annoncé à l’univers que

  1. Ces argumens sont présentés avec beaucoup de sagacité par le juif Orobio, et réfutés avec la même sagacité et avec candeur, par le chrétien Limborch. Voyez amica collatio (ouvrage qui mérite bien ce nom), ou relation de la dispute qui s’éleva entre eux.
  2. « Jesus … circumcisus erat ; cibis utebatur judaïcis, vestitu simili ; purgatos scabie mittebat ad sacerdotes ; paschata et alios dies festos religiosè observabat : si quos sanavit sabbato, ostendit non tantùm ex lege, sed et excerptis sententiis, talia opera sabbato non interdicta. » Grotius, De