Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/355

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droit de condamner qu’à quelques onces[1]. Cette distinction, qui paraît accorder une grande autorité et en refuser une moindre, était fondée sur des motifs très-raisonnables. La moindre était infiniment plus sujette à des abus. Les passions d’un magistrat provincial pouvaient lui faire commettre des actes d’oppression qui n’attaquassent que la fortune ou la liberté des citoyens, quoique, par un motif de prudence ou d’humanité, il pût craindre de verser le sang innocent. On doit aussi considérer que l’exil, les fortes amendes, ou le choix d’une mort douce, ne regardaient guère que les citoyens riches ou les nobles. De cette manière, les personnes les plus exposées au ressentiment ou à l’avidité d’un magistrat de province se trouvaient à l’abri de sa persécution obscure, et s’adressaient au tribunal plus auguste et plus impartial du préfet. 2o . Comme on sentait que l’intégrité d’un juge pouvait être corrompue par son intérêt ou par ses liaisons, les règlemens les plus sévères excluaient du gouvernement de la province où l’on était né, à moins d’une dispense particulière de l’empereur[2] ; et il était expressément défendu

  1. Les présidens et les consulaires pouvaient imposer une amende de deux onces ; les vice-préfets, de trois ; les proconsuls, le comte de l’Orient et le préfet d’Égypte, de six. Voyez Heinecc., Jur. civ., t. I, p. 75 ; Pandect., l. XLVIII, t. 19, no 8 ; cod Just., l. I, tit. 54, leg. 4-6.
  2. Ut nulli patriæ suæ administratio, sine speciali Principis permissu, permittatur. Cod. Just., l. I, tit. 41. L’empereur Marc-Aurèle, après la rebellion de Cassius, établit