Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/368

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Il ne restait plus rien de cette simplicité sévère, qui, dans les siècles brillans de victoire et de liberté, avait distingué une armée romaine de ce ramas immense et confus de soldats dont marchait environné un monarque d’Asie[1]. Un dénombrement particulier tiré de la Notitia pourrait occuper l’attention d’un amateur de l’antiquité. Mais l’historien se contentera d’observer que les postes militaires ou les garnisons placées sur les frontières de l’empire montaient à cinq cent quatre-vingt-trois ; et que, sous les successeurs de Constantin, les forces totales de l’armée étaient composées de six cent quarante-cinq mille soldats[2]. Dans les siècles précédens, cet effort aurait surpassé les besoins de l’empire ; dans les suivans, il surpassa ses facultés.

Difficulté des enrôlements.

Dans les différens états de la société, les motifs qui contribuent au recrutement des armées sont d’un genre très-différent. Les Barbares vont à la guerre par goût ; les citoyens d’un état libre y sont poussés par le devoir et l’amour de la patrie : les sujets, ou du moins la noblesse d’une monarchie, ont pour les y exciter le sentiment de l’honneur ; mais les timides

  1. Romana acies unius propè formæ erat et hominum et armorum genere. — Regia acies, varia magis multis gentibus dissimilitudine armorum auxiliorumque erat. (Tite-Live, l. XXXVII, c. 39, 40.) Flaminius, avant la bataille, avait comparé l’armée d’Antiochus à un souper, où l’habileté d’un cuisinier diversifie l’apprêt de la chair d’un vil animal. Voy. la Vie de Flaminius dans Plutarque.
  2. Agathias, l. V, p. 157, éd. du Louvre.