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Constantinople, pour y défendre sa vie contre les accusations insidieuses de ces délateurs privilégiés. L’administration ordinaire était conduite par ces moyens qu’une extrême nécessité pourrait seule pallier, et l’on avait soin de suppléer au défaut de témoins par l’usage de la torture[1].

L’usage des tortures.

La trompeuse et dangereuse invention de la question criminelle, selon le nom expressif qu’on lui a donné, était reçue plutôt qu’approuvée par la jurisprudence des Romains. Ils n’employaient cette sanguinaire méthode d’examen que sur des corps dévoués à l’esclavage, et dont ces républicains orgueilleux pesaient rarement les douleurs dans la balance de la justice et de l’humanité. Mais ils ne consentirent jamais à violer la personne sacrée d’un citoyen, jusqu’à ce que la preuve du crime fût évidente[2]. Les annales de la tyrannie, depuis le règne de Tibère jusqu’à celui de Domitien, rapportent en détail l’exécution d’un grand nombre de victimes innocentes. Mais aussi long-temps que la nation eut un faible souvenir

  1. Voyez sur les Agentes in rebus, Ammien, l. XV, c. 3 ; l. XVI, c. 5 ; l. XXII, c. 7, avec les Notes curieuses de Valois. Cod. Théod., l. VI, tit. 27, 28, 29. De tous les traits rassemblés par Godefroy dans son Commentaire, le plus remarquable est celui de Libanius, dans son Discours sur la mort de Julien.
  2. Les Pandectes (l. XLVIII, tit. 18) indiquent les opinions des plus célèbres jurisconsultes sur la torture. Ils la bornent rigoureusement aux esclaves, et Ulpien lui-même avoue que res est fragilis et periculosa et quæ veritatem fallat.