Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/386

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de sa gloire et de sa liberté, les derniers momens d’un Romain furent à l’abri du danger d’une torture ignominieuse[1]. Les magistrats des provinces ne suivirent cependant ni les usages de la capitale, ni les maximes des gens de loi ; ils trouvèrent l’usage de la question établi, non-seulement chez les esclaves de la tyrannie orientale, mais aussi chez les Macédoniens, qui obéissaient à une monarchie mitigée ; chez les Rhodiens, qui florissaient par la liberté et le commerce, et même chez les sages Athéniens qui avaient soutenu et relevé la dignité de l’homme[2]. Le consentement des habitans des provinces encouragea les gouverneurs à demander, et peut-être à usurper le pouvoir arbitraire de forcer, par les tourmens, des accusés, vagabonds et plébéiens, à l’aveu du crime dont on les présumait coupables ; ils confondirent ensuite peu à peu les distinctions de rang, et ils dédaignèrent les priviléges des citoyens romains. Les sujets effrayés sollicitaient, et le souverain avait soin d’accorder une foule d’exemptions

  1. Lors de la conspiration de Pison, Épicharis (libertina mulier) fut seule mise à la torture. Les autres conjurés furent intacti tormentis. Il serait superflu d’ajouter un exemple plus faible, et il serait difficile d’en trouver un plus fort. (Tacite, Annal. XV, 57.)
  2. Dicendum… de institutis Atheniensium, Rhodiorum, doctissimorum hominum, apud quos etiam (id quod acerbissimum est) liberi, civesque torquentur (Cicéron, Partit. orat., c. 34). Le procès de Philotas nous instruit de l’usage des Macédoniens. (Diodore de Sicile, l. XVIII, p. 604 ; Quinte-Curce, l. VI, c. 11.)