Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/43

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bonheur réciproque. Lorsque l’épouse, enlevée d’entre les bras de ses parens, franchissait, avec une répugnance affectée, le seuil de sa nouvelle demeure[1], accompagnée de tout le cortège de l’hymen ; lorsque la pompe funèbre s’avançait lentement vers le bûcher[2] ; dans ces importantes occasions, le chrétien, tremblant de se rendre coupable du crime attaché à des cérémonies impies, se trouvait forcé d’abandonner les personnes qu’il chérissait le plus. [Arts.]Toutes les professions, tous les métiers qui contribuaient à former ou à décorer les idoles, étaient déclarés infectés du poison de l’idolâtrie[3] : sentence sévère, puisqu’elle dévouait aux tourmens éternels cette portion si considérable de la société qui exerce les arts libéraux et mécaniques. Si nous jetons les yeux sur les restes innombrables de l’antiquité, outre

  1. Voyez l’hymne élégant, mais idolâtre, que Catulle composa à l’occasion des noces de Manlius et de Julie : O hymen, hymenæe Io ? quis huic Deo comparari ausit ?
  2. Virgile, en chantant la mort de Misène et de Pallas, a décrit avec exactitude les funérailles des anciens ; les éclaircissemens donnés par son commentateur Servius ne contribuent pas moins à faire connaître ces cérémonies. Le bûcher lui-même était un autel, le sang des victimes servait d’aliment aux flammes, et tous les assistans étaient arrosés de l’eau lustrale.
  3. Terlullien, De idololatriâ, c. 11 (*).
    (*) Les opinions exagérées et déclamatoires de Tertullien ne doivent pas être toujours prises comme l’opinion générale des premiers chrétiens. Gibbon s’est permis assez souvent de faire envisager les idées particulières de tel ou tel père de l’Église comme inhérentes au christianisme ; ce qui n’est pas exact. (Note de l’Éditeur.)