Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/448

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un étrange hasard avait rendu la date de son avénement antérieure à celle de sa naissance. La femme d’Hormouz était enceinte quand son mari mourut, et l’incertitude de l’événement de la grossesse et du sexe de l’enfant qui devait naître, excitait les ambitieuses espérances des princes de la maison de Sassan ; mais les mages firent à la fois cesser leurs prétentions et les craintes de la guerre civile dont on était menacé, en assurant que la veuve d’Hormouz était enceinte et accoucherait heureusement d’un fils. Dociles à la voix de la superstition, les Persans préparèrent sans différer la cérémonie du couronnement. La reine parut publiquement dans son palais, couchée sur un lit magnifique, le diadème fut placé sur l’endroit que l’on supposait cacher le futur héritier d’Artaxercès, et les satrapes prosternés adorèrent la majesté de leur invisible et insensible souverain[1]. Si l’on peut ajouter foi à ce récit merveilleux, qui paraît cependant assez conforme aux mœurs de la nation, et confirmé par la durée extraordinaire de ce règne, nous serons forcés d’admirer également le bonheur et le génie du roi Sapor. Élevé dans la douce et solitaire retraite d’un harem, le jeune prince sentit la

  1. Agathias, qui vivait au sixième siècle, rapporte cette histoire (l. IV, p. 135, édit. du Louvre). Il l’a tirée de quelques extraits des chroniques de Perse, que l’interprète Sergius s’était procurés, et avait traduits durant son ambassade à cette cour. Schikard (Tarikh, p. 116) et d’Herbelot (Biblioth. orient., p. 763) parlent aussi du couronnement de la mère de Sapor.